C’est une rue typique de l’ancien Gembloux et de ses racines médiévales: une rue des faubourgs. Le faubourg signifie: « fors le bourg » donc, tout ce qui se trouvait à l’extérieur des remparts ou des portes d’accès.
La rue du Moulin relie le centre, via la Place de l’Orneau, au quartier de la gare via les rues du Coquelet et des Volontaires.
J’y suis né le 12 décembre 1954 au numéro 45, dans une maison qui donne sur l’Orneau et qui se situait au fond d’une cour, bordée par les ateliers de la défunte coutellerie Lam d’Or, de mon grand-père Joseph Depireux.
La rue du Moulin tient son nom d’un moulin à eau qui s’y trouvait jadis, sur la rivière Orneau, un peu à gauche en face du bassin d’eau qui rafraîchit le pied de la tour (du Nord) des anciens remparts, lorsqu’on lui tourne le dos. Ce moulin s’est écroulé en mai 1940 sous les bombes nazies. Dans les années soixante se trouvait là l’imprimerie et la librairie Mignon. J’y allais souvent acheter du matériel pour l’école et j’étais toujours reçu par l’extrême gentillesse de Christiane, la vendeuse, qui devait par après épouser Marcel Mignon, un des fils du patron. Je les embrasse amicalement..
La rue s’appelait « rue du Werd Moulin » ou rue « Verimolin », corruption wallonne de l’expression « vers le moulin », et serpentait le long de l’Orneau, le long des remparts, sur un axe nord-nord-ouest. Le moulin était un des 3 moulins de l’abbaye avec l’Escaille et le Moulin du Bedauwe. On y moulait le grain et il fonctionna jusqu’au début du XXè siècle. Ce moulin était nommé « Moulin de dessous le Mont » vraisemblablement dû au fait qu’il faisait face au promontoire rocheux sur lequel était édifiée l’abbaye. Il était situé face à la tour des Sarrasins.
. Carte postale Editions Bertels, rue de Laeken à Bruxelles, 1910 – Source Delcampe International
auteur inconnu © DR
éditions Hermans – Anvers – source Delcampe.be
1917
carte postale non datée – auteur inconnu © DR
source: clic sur photo
La rue abritait aussi La Poste (distribution) et l’ancien « Cinéma Royal », la salle de spectacles de la Faculté d’agronomie et du Foyer culturel. J’en ai usé des fonds de culotte dans ce cinéma, gamin avec mon papa, j’y ai vu les plus grands classiques: « Sous le plus grand Chapiteau du Monde », « Ben Hur », « Le gentleman de Cocody », « West Side Story », « Les 101 Dalmatiens », des westerns et des films policiers en noir et blanc. J’ai le souvenir de ces odeurs de sièges en velours, du goût du frisko « Noisella », des joues rubicondes et rebondies de la dame qui passait avec le panier de confiseries à l’entracte, après le documentaire et le dessin animé. A noter que le Cinéma Royal, géré d’une main de fer par Albert Lacroix, était dans un bâtiment qui jouxtait le square de la tour vers 1920 jusqu’aux bombardements de 1940.
A l’époque il y avait aussi le cinéma Agora, place de l’Hôtel de Ville, près de l’embouchure de la rue Puits Connette. . Et je repense à ce bon temps avec nostalgie en songeant à la chanson d’Eddy Mitchell, « la dernière Séance ».
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Ci-dessus la rue vers la rue des Volontaires.
A l’avant-gauche, l’enseigne du magasin de la coutellerie Lam d’Or,
chez mon grand-père, Joseph Depireux, Li, Poyion. A droite au fond, la villa Maerschalk, puis Sacré.
document: remerciement Philippe Depireux – auteur inconnu © DR
Ci-dessous, on distingue dans le fond la place de l’Orneau. A l’avant-plan à gauche, la maison des Chilot, toiture-zinguerie etc, Le patron et père de la famille, Louis, louait des ateliers de l’ancienne coutellerie, chez mes parents pour y stocker son matériel |
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après les bombardements en mai 1940 – document Philippe Depireux.
collection privée – courtoisie Jean Lacroix – merci à Etienne Champagne
dans les années 1950’s
Dans le fond, la place de l’Orneau. Sur la droite, derrière la voiture l’ancienne librairie Mignon
collection privée – courtoisie Jean Lacroix – merci à Etienne Champagne
collection privée – courtoisie Jean Lacroix – merci à Etienne Champagne
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2004
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Clic sur photo à gauche pour la visionner sur BALat KIK IRPA Les maisons à droite n’existent plus |
La série de nouvelles constructions sur cette photo à droite, a été faite sur l’ancien site « Soquet ».
Ci-dessous, photo de « Vers l’Avenir », du 25-01-1990 de S. Bradfer: l’arrière du site avant le projet.
Le 25/01/1990 X. Diskeuve du quotidien Vers L’Avenir. rapportait, sur cinq colonnes, le projet d’un vaste complexe commercial, résidentiel et administratif. Ses deux promoteurs flémallois évoquaient « un ensemble qui constituera une animation permanente pour le centre-ville » et « une architecture qu’ils ne connaissaient qu’à Miami ». Coût de l’opération : plus d’un milliard de frs. Début des travaux prévus en septembre 1990. (commentaire et apport du document de Marc Delforge)
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Entrée de la rue du Moulin depuis la place de l’Orneau. Sur le coin, le salon de coiffure de Franz Piette, chez qui j’allais avec mon père. Mais ceci, après que Franz eut déménagé de l’autre côté de la rue Damseaux, sur la place de l’Orneau, en face de la rue Notre-Dame. Il est curieux de constater qu’environ où se trouve le personnage à droite de la photo, se situait aussi un salon de coiffure (l’ancien restaurant « Chez Marthe ») tenu par Philippe Soudant qui a été apprenti chez Franz Piette… |
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L’entrée de la rue dix ans plus tard en 1965. Le salon de coiffure a été démoli et à gauche se situe le commerce des meubles Socquet. Les travaux commencent à l’entrée de la rue à gauche. Les meubles Socquet occuperont plus tard tout un nouveau bâtiment qui ira jusqu’à la façade de la prochaine maison à gauche, après la bétonnière. A noter le scooter à gauche. La dernière maison que l’on voit dans la rangée de droite des habitations, derrière un grand sapin, est la fameuse villa de Maerschkalk, en face du Cinéma Royal |
vers la tour des Sarrasins, dos à la place de l’Orneau
Au bout à droite, la villa de Maerschalk qui semble
avoir été épargnée par les bombes nazies des 10 et 12 mai 1940
collection privée – courtoisie Jean Lacroix – remerciement à Etienne Champagne
juste un peu avant par rapport à la photo précédente.
collection privée – courtoisie Jean Lacroix – merci à Etienne Champagne
Le bâtiment à droite, la villa Bailly qui se situe juste en face de la petite cour-ruelle
qui aboutit à ma maison natale. Ci-dessous la villa
Je me rappelle de Monsieur Bailly qui jardinait toujours avec son chapeau à ruban sur la tête. Ma soeur et moi nous amusions à lancer des petits graviers à l’aide de nos raquettes de badminton vers l’infortuné voisin qui se demandait d’où venait cette pluie de minuscules météorites… Le fils François réparait les montres et les horloges: ce n’était pas son métier mais une passion; il en avait une autre qui consistait à taquiner la dive bouteille plus que modérément et souvent lorsqu’il rentrait, très tard, c’était un spectacle de le voir essayer de mettre sa cléf dans la serrure de la porte..Je me rappelle très bien de la fille, véritable charpente de la famille, Mimie, de sa démarche décidée, de son éternelle cigarette aux lèvres et de la maman la rougeaude et gentille Madame Bailly.
Publicité pour les établissements Socquet, parue en juillet 1957.
Cette rue a bercé ma jeunesse et tous les enfants du quartier y jouaient; il n’y avait presque pas de circulation d’autos au début des années 60 et en été, la rue était pleine d’enfants qui s’égayaient et d’adultes qui bavardaient sur le pas des portes. Temps malheureusement révolu… Et les enfants barbotaient dans le bassin d’eau devant la tour des Sarrasins, quand il faisait chaud, et on se croyait au bord de la mer… |
LE SQUARE ALBERT Ier
en 1967 – document Pierre Fourneau
auteur inconnu © DR
Dans ce petit square (comme on l’appelait) on peut trouver un buste en bronze en mémoire du roi Albert Ier.
Le buste a été déplacé comme on peut le voir en comparant les deux photos.
Votre serviteur, ado, sous le buste du roi à son ancien emplacement
photo © Philippe Depireux
Le samedi matin on écoutait le hit-parade à la radio, assis sur les trottoirs et on notait la marque des rares voitures qui passaient dans la rue; nous en avions fait un jeu avec mon ami Jean-Marie Brutin.
à gauche le « square » de la tour des Sarrasins. Avant la grosse maison se trouvait le Cinéma Royal bombardé en mai 1940. A droite, l’enseigne « Agfa » sur la façade du photographe Horgnies, à deux maisons de chez moi. – photo © Philippe Depireux |
Clic sur photo pour la visionner dans BALat KIK IRPA
Et je me rappelle aussi des gens qui vivaient dans la rue et dont les sobriquets embaument les effluves du passé: Matokiki (j’allais chanter « Ma tonkinoise » sous ses fenêtres) qui était ma bête noire, et qui était voisine du magasin L’Elan (à droite sur la photo). Quand elle voyait ma maman elle lui disait: « Nana, Jamy est encore venu chanter Ma tonkiki chez moi ! » Je crois qu’elle était un peu sorcière ou voyante de foire ou qu’elle faisait tourner les tables. Elle avait le même visage renfrogné que son chien pékinois, mais qui lui n’était pas maquillé à outrance. Je suis en train de songer que finalement, un pékinois et une tonkinoise, ça devait faire bon ménage… Il y avait aussi Bouboule, le réparateur de vélos, avec son béret poisseux et sa barbe jamais faite. Je me rappelle de l’électricien Monsieur Durviaux et sa 4 CV bleu clair, à côté du marchand de vêtements en cuir, Godfrine, du marchand de meubles Kennis, qui entreposait de la marchandise dans les ateliers chez moi, et de bien d’autres encore, du fleuriste, le gentil Franz Sablon que nous appelions « Loulou ». On voit son magasin sur la photo ci-dessous prise en août 2004, bâtiment qui est maintenant rasé puisqu’on a ré-ouvert la vue sur la rivière Orneau. Il y avait d’ailleurs là jadis un pont.
Voir Clos de l’Orneau
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![]() La fin de la rue en venant de la rue des Volontaires, vers le centre, Place de l’Orneau. A droite la magasin de « Loulou » Sablon. Août 2004. Photo GILLES JM |
![]() Le même endroit en 1905. On voit la villa Sacré qui sur la photo actuelle est cachée par les arbres. A gauche la grille d’entrée de la propriété Piérard et l’entrée de la coutellerie.
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La rue du Moulin vue en venant du croisement de la rue des Volontaires et de la rue du Coquelet. On voit à gauche dans le virage, une dame sur le seuil d’un établissement, café Jaris ou Joris ?
Cette carte a circulé en 1911. (photo H.Bertels) – auteur inconnu © DR

A droite dans le fond, la coutellerie Piérard KARA s’était installée.Juste avant les grilles d’une propriété où se trouvait un dentiste dans ma jeunesse. A gauche, une maison avec deux enfants devant la porte, voir l’article sur la boulangerie Godfrine. De cette carte postale, on voit au fond à droite un mur d’enceinte, avant les bâtiments de la coutellerie Piérard. Un grand chantier de construction d’appartements a débuté en juin 2016 à cet endroit |
en début juin 2017
L’arrière de la coutellerie Piérard et usine – 1999 – Devant les usines, la rue du Moulin.
A gauche on voit la toiture en pointe tronquée de la maison du fleuriste Sablon.
document Marc Delforge
Démolition de la coutellerie Piérard, rue du Moulin – Canal Zoom – 24-02-2017
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Nov 2008: Toutes mes félicitations pour cette collection de photos, et de petites histoires, sur Gembloux.
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Bonjour,
En cherchant tout autre chose je suis tombé sur votre blog. Il est remarquable de fraîcheur et de nostalgie !
Je suis né aussi à Gembloux : en septembre 1939 au 16, rue du Moulin (boulangerie Chasseur) en face du magasin « L’élan » et de la petite maison des Nicaise. (Mon grand-père maternel était Georges Chasseur.)
Je m’empresse de faire la pub de votre blog auprès de ma famille et de vieux gembloutois.
Toutes mes félicitations pour ce beau travail.
Robert
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Cher Jami,
J’ai revu avec plaisir ton blog. Cela me ravive quelques souvenir vu que je suis né en 1943 au numéro 47 au dessus de l’ancien magasin de notre grand père et nous avons habité quelques années dans la pièce devant ou se trouve maintenant le local de la CSC.
A+.
Dan.
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Les chaudes journées d’été étaient bien agréablement rafraîchies par une petite baignade interdite dans ce bassin à l’onde pure.
Le parc et les serres de la fac étaient aussi un terrain d’aventures inépuisables, ainsi que l’ancienne sucrerie gembloutoise au moment de sa fermeture…
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J’ai rarement pu lire de bons posts.
Hésite pas à m’écrire un mail si tu as envie de discuter du thème de l’article un peu plus profondément.
A très vite j’espère !
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Bravo! Que de souvenirs…J’ai habité cette rue jusqu’en 1955, je crois que c’était à côté de chez Bouboule (quand le klaxon va, tout va). J’avais aussi peur de Matonkiki…
Je suis la fille de Juliette Harzée.
Je reviendrai certainement me replonger dans ces souvenirs.
Merci de me les avoir rappelé.
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Bonjour !
Félicitation pour ce blog très bien tenu et pour la mine d’informations que vous faites jaillir du passé 🙂
Étudiant en architecture, j’ai un exposé à réaliser qui est en partie centré sur l’historique de cette rue du moulin. Je me demandais si vous auriez peut-être un peu plus d’informations sur la rue, notamment sur les coutelleries qui s’y étaient installées, sur ce fameux moulin « de dessous le mont » (moulin à eau ?), et enfin sur la fonction passé du gros bâtiment qui est aujourd’hui le cinéma royal.
Je vous remercie infiniment.
Cordialement.
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Bonjour Thibo,
Comme je l’écris, je suis né dans cette rue: je suis le petit-fils du coutelier Joseph Depireux; j’ai grandi entre ses anciens ateliers, dans une petite maison, en contrebas de la rue, dont le jardin chevauchait l’Orneau, mais avec la chaleur de l’amour comme on connaissait dans les années 50 et 60, au n°45 de la rue, et juste à côté, se trouvait le magasin de mon grand-père où étaient vendus les produitsde son incroyable génie. Plus loin dans la rue, se trouvait la coutellerie Pierard, devenue après « Kara ».
A ma connaissance, et suivant ce que ma maman m’a toujours raconté, ce cinéma a été construit à dessein pour servir de cinéma; l’origine du bâtiment est donc sa fonction. Pour votre information, ce cinéma se trouvait avant à droite de la tour des Sarrasins, lorsque vous la regardez de face.
Si vous voulez d’autres renseignements et si je les connais laissez moi votre email svp.
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Un grand merci pour votre réponse aussi rapide ! Je vous laisse mon e-mail :
thibo.leroy@hotmail.fr
J’avoue avoir encore une où deux questions. C’est tout même assez rare de pouvoir questionner une personne qui a réellement vécu le lieu ! 🙂 Mon analyse n’en sera que plus authentique. Pourriez-vous m’envoyer votre e-mail pour que je puisse vous expliquer les quelques détails qui m’intéresseraient.
Je vous remercie sincèrement pour le temps passé à me répondre !
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